Sous le code pénal de 1791, le délit de
violation du secret professionnel n'existait pas en tant que tel,
même si deux articles prévoyaient des sanctions d'abord dans le le
cas d'un fonctionnaire public qui violerait le secret d'une
négociation livrée à une puissance étrangère (avec pour sanction la
peine de mort) mais aussi en cas de violation de violation du
courrier postal (avec une pénalité de « deux ans de gène »).
C'est le code Napoléon de 1810 qui créa le délit de
violation du secret professionnel, en désignant, sous un article 378
du Code pénal, «
les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que
les pharmaciens, les sages-femmes,
et toutes autres personnes
dépositaires, par état ou profession, des secrets qu'on leur
confie ».

Si le code pénal désignait un
certain nombre de professions médicales, il laissait donc, également, aux
Cours et Tribunaux, le soin de déterminer les autres personnes
devant, dans un intérêt général, observer ce même secret :
« (...)
toutes autres personnes
dépositaires, par état ou profession, des secrets qu'on leur confie
(...) ».
Dès 1885 (arrêt
Watelet, crim. 19/12/1885), la Cour de
Cassation fixa les grandes lignes de l'obligation du secret
professionnel et de sa portée, en précisant, par exemple, que
« la
répression pénale du secret est générale et absolue : elle punit
toute révélation du secret professionnel, sans qu’il soit nécessaire
d’établir, à la charge du révélateur, l’intention de nuire »,
et qu'il recouvre «
ce que le professionnel aura appris, compris ou deviné
à l’occasion de son exercice professionnel
».
Elle ajoutera qu' «
en imposant à
certaines professions, sous une sanction pénale, l’obligation du
secret comme un devoir de leur état, le législateur a
entendu assurer la confiance qui s’impose dans l’exercice de
certaines professions et garantir le repos des familles qui peuvent
être amenées à révéler leurs secrets par suite de cette confiance
nécessaire ».
Dans des arrêts plus récents (Crim. 27/07/1936 et
05/02/1970), la chambre criminelle apporta des précisions
complémentaires sur les règles d'assujettissement de certaines
personnes au secret professionnel, et notamment que :
« (...)
l'article 378 du code pénal ne vise que les faits parvenus à
la connaissance d'une personne dans l'exercice d'une
profession ou d'une fonction aux actes de laquelle la loi,
dans un intérêt général et d'ordre public, a imprimé le
caractère confidentiel ou secret ou dans le cas où les
mêmes faits lui ont été confiés sous le sceau du secret en
raison d'une semblable profession ou fonction (...)»
(Arrêt du 5 février 1970, pourvoi 69-90040)
Aujourd'hui ces principes rapportés aux détectives et
enquêteurs privés permettent de confirmer que ces activités
professionnelles sont bien assujetties au secret professionnel par
le droit commun, à défaut d'une disposition législative expresse :
1°) les confidences sont bien recueillies dans le cadre
d'une activité professionnelle;
2°) les renseignements dont les agents de recherches
privées sont dépositaires ont bien été confiés sous le sceau de la
confidence, nécessaire et indispensable pour les aider dans la
recherche de preuves, et dans l'exercice des droits de la défense;
3°) les informations reçues les amènent, selon les
missions confiées, à connaître une multitude de renseignements relevant :
▪
de la vie privée, notamment sur la vie intime
et familiale,
▪
de la vie professionnelle,
▪
de secrets financiers et bancaires,
▪
du secret des affaires,
▪
de secrets industriels ou commerciaux,
▪
de secrets d'ordre médical
pour les affaires confiées par les assurances (enquêtes sur
accidents, sur état de santé avant souscription...).
▪
du secret bancaire
pour les missions confiées par des établissements financiers et
bancaires,
▪ de
secrets partagés avec d'autres professions, elles
mêmes soumises au secret par la loi (avocats, experts comptables, huissiers de justice etc.).
Le Gouvernement et le Sénat ont même reconnus que les agents de
recherches privées pouvaient détenir des données
confidentielles lorsque des missions sont confiées par des sites
sensibles de type CEVESO, installations pétrolifères, centrale
nucléaire, zones protégés de défense (Rapport N° 117, Sénat,
commission des lois, 6/12/2005).
Ces considérations militent donc en faveur de l'obligation
de droit commun, pour les détectives et enquêteurs privés, à garder la
confidentialité sur
l'ensemble des missions confiées, le secret professionnel
constituant le socle même de la déontologie et des garanties
apportées aux mandants des agences de recherches privées.
A noter que, même sans intention de nuire,
la violation du secret professionnel entraîne condamnation de
l'indiscret, y compris si les faits divulgués sont déjà connus
(par exemple du public, par voie de presse ou autre).
Faute de législation spécifique, il convenait que
cette obligation du secret professionnel des détectives et
enquêteurs privés, soit fixée par la jurisprudence.
Depuis la promulgation du nouveau code pénal, en
1994, c'est l'article 226-13 qui prévoit désormais, la sanction pour
toute indiscrétion dans des termes plus généraux puisqu'il ne liste
plus d'activité professionnelle mais dispose que :
« La révélation d'une
information à caractère secret par une personne qui en est
dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison
d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an
d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».
Dans les années 1970, après avoir appris,
tardivement, qu'un
détective avait prévenu la partie adverse des filatures dont
il faisait l'objet, une première constitution de partie civile, pour violation du secret professionnel (article 378 de l'ancien code pénal) avorta pour des raisons
exclusivement procédurales. L'intéressé était, en effet, poursuivi pour corruption par
la cliente et non pour violation du secret professionnel. L'organisation professionnelle
qui s'était constituée partie civile à l'audience fut déboutée, mais
le juge releva, dans son jugement, la
"faute professionnelle" du détective privé.
En 1980, puis en 1982, le secret professionnel
sera reconnu par la Cour d'appel de Paris, dans des termes non
équivoques, mais à l'occasion de procédures (l'une pénale,
l'autre civile) sans rapport avec des poursuites pour
violation de la confidence.
En 2001, de nouvelles poursuites sont engagées,
pour violation de l'article 226-13 du code pénal contre le
collaborateur d'une agence, à la suite d'un litige prud'homal
au cours duquel il avait communiqué, à son avocat, des fiches de
travail pour justifier de son activité. L'employeur déposa plainte pour violation du secret professionnel. Mais,
dans les faits, les fiches en cause n'avaient pas été
divulguées à des tiers, ni même produites devant le Conseil
des prud'hommes mais seulement communiquées, dans le cadre des
droits de la défense, à son avocat,
lui-même tenu au secret professionnel, et transmises à l'avocat de la partie
adverse... c'est à dire à la partie civile elle-même...
l'employeur qui poursuivait son collaborateur. Le
tribunal correctionnel (2001), relaxa donc l'enquêteur privé
du chef de violation du secret professionnel, la Cour d'appel
de Paris (2002) confirmant en tous points le jugement de
première instance. Ces deux décisions (comme l'ordonnance de
renvoi du juge d'instruction) permirent néanmoins de confirmer
l'existence du secret professionnel qui, toutefois dans cette
affaire, n'avait pas été violé et la validité de poursuites de
ce chef si, bien sûr, l'infraction était constituée..
En 2014, le tribunal correctionnel de
Châlons-sur-saône est, lui aussi, saisi d'une procédure pour
violation du secret professionnel, un détective privé ayant
divulgué des informations qui lui avaient été confiées par ses
clients. Cette fois la justice confirme l'obligation de
respecter le secret professionnel et constatera sa violation
sur le fondement de
l'article 226-13 du Code pénal, décision que confirmera la
Cour d'appel de Dijon (2016), l'arrêt étant, aujourd'hui,
devenu définitif.
▪
02/05/1978 : T.G.I. Paris, 17ème chambre - le
tribunal relève la faute professionnelle d'un détective
[les
poursuites avaient été engagées pour corruption et non pour
violation du secret professionnel] pour avoir communiqué des
informations à la partie adverse : « En dépit des
approximations et des revirement du nommé X...
[le
détective] manifestement gêné par la
faute
professionnelle qu'il a commise en révélant à monsieur
Y... les filatures dont celui-ci avait fait l'objet (...)».
▪
09/07/1980 : C.A. Paris, 9ème chambre
-
«
(...) les
enquêteurs (....) ont (...)
violé le secret de leur mission
en en révélant les objectifs à la personne objet de leurs
investigations (...)
».
-
30/06/1982 : C.A. Paris - 4ème chambre, section A :
« (...) la saisie du rapport et des fiches relatives à son
établissement, documents qui n'ont pas vocation à être
diffusés dans le public, n'apparaît pas nécessaire, la simple
détention des ces documents par le cabinet X tenu à une
obligation de secret professionnel, n'étant pas de nature
à aggraver le préjudice (...) il convient également d'infirmer
le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de saisie et
destruction de ces documents ».
-
26/06/2001 : (TGI Paris, 12ème chambre)
-
Poursuivi pour violation de l'article 226-13 du code pénal, le
tribunal correctionnel relaxe le détective :
«
(...) Dans l'exercice des doits de la défense M. X a remis ces
documents à son conseil (...). Ces pièces n'ont pas été
produites devant la juridiction saisie mais communiquées au
conseil de la partie civile,
sans que cela constitue une
quelconque violation du secret professionnel puisque le
destinataire était la partie civile elle-même (...) Par ces
motifs (...) sur l'action publique déclare X... non coupable
et le relaxe des fins de la poursuite pour les faits qualifiés
de (...) violation du secret professionnel (...). ».
-
13/12/2002 : C.A.12ème chambre, section B
- la cour confirme le jugement
rendu par le TGI de
Paris en date du 27/06/2001 (secret professionnel non violé).
-
30/05/2014 : TGI
Châlons-sur-Saône, ch. correctionnelle : la juridiction
reconnaît qu'un détective est soumis au secret professionnel
:
« Il résulte en outre de
l’analyse de la jurisprudence que toute information, quelle
qu’elle soit, peut relever de l’article 226-13 du code pénal
dès lors qu’il n’existe pas de secret professionnel par
nature : en effet, les faits forment un secret par leur simple
détention par un professionnel tenu au secret.
Par ailleurs, la protection
du secret professionnel ne saurait se limiter à un fait non
connu. La connaissance par d’autres personnes n’est ainsi
pas de nature à leur enlever leur caractère confidentiel et
secret et les règles du code pénal doivent recevoir
application encore qu’il s’agisse d’un fait connu ou
susceptible de l’être. Il en résulte que la violation du
secret est avérée même si le fait révélé pouvait déjà être
connu indépendamment de cette révélation ».
-
28/01/2016 : C.A. Dijon,
ch. correctionnelle : violation du secret professionnel - La
Cour d'appel confirme le jugement du TGI de Châlons-sur-Saône du
30/05/2014 (arrêt définitif) :
« (…) Attendu que la
jurisprudence constante de prise en application de l’article
226-13 du code pénal prévoit que le principe posé par ce texte
est général et absolu même s’il s’agit de faits connus dans
leur ensemble, lorsque l’intervention du dépositaire du secret
entraîne la divulgation de précisions, qu’il était seul à
connaître, et que la connaissance par d’autres personnes de
faits couverts par le secret professionnel n’est pas de nature
à enlever à ces faits leur caractère confidentiel et secret ;
qu’il n’est pas contesté par X… que celui-ci soit tenu dans
l’exercice de sa profession d’enquêteur privé vis-à-vis de ses
clients au secret professionnel pour des faits, dont il a eu
connaissance dans le cadre de cette activité et relatifs à ces
mêmes personnes ; »
(…) Attendu qu’il convient
de reprendre chacun des renseignements diffusés (...), qui
selon les parties civiles constitueraient des violations du
secret professionnel par X… :
1.
Attendu que (…) X a illégalement diffusé (…) ces informations
ainsi que le compte rendu de son entretien avec ce dernier
individu ; qu’il existe donc bien une violation du secret
professionnel
2.
(…)
le …... l’appelant a diffusé (...) les conclusions de ces
experts du laboratoire de génétique moléculaire (...), alors
que cet élément résulte du dossier d’instruction, qui lui a
été remis par les consorts Y…, qui n’ont pas été diffusées au
public ; que sur ce point une telle violation est également
constituée ;
3.
une
lettre que Y… avait adressé au juge d’instruction en …... :
pareillement ...X… le .... a diffusé (...) ce document, dont
il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions,
puisqu’il n’a jamais fait l’objet d’aucune autre diffusion ;
qu’il en va de même sur l’existence d’une telle violation ;
(...)
« A l’instar de l’obligation de coopération
loyale, le secret professionnel est à la base de la
relation de confiance entre l’enquêteur de droit
privé et son mandant. (…) l’obligation de respecter
le secret professionnel constitue le socle même de la
déontologie des enquêteurs de droit privé. Sans cette
obligation, les mandants ne pourraient se confier ni être
défendus. Dans le cadre d’une procédure en révision (…),
l’avocat qui ne peut instrumenter lui-même, est souvent
conduit à saisir un enquêteur aux fins d’effectuer, dans le
cadre des droits de la défense, des recherches utiles à
l’intérêt de son mandant. Ce faisant, l’enquêteur devient l’un
des acteurs privilégiés de l’effectivité même des droits de la
défense. Pour exercer pleinement ce rôle, l’enquêteur est
nécessairement dépositaire d’informations confidentielles dans
le cadre d’un secret partagé avec l’avocat. Toute
divulgation non autorisée d’informations confidentielles est
alors constitutive d’un manquement à la déontologie
professionnelle et, le cas échéant, d’un délit pénal
(violation du secret professionnel, art. 226-13 C.pén). ».
(
Commission nationale de déontologie de la sécurité, assemblée
plénière, avis du 21 septembre 2009)
Cet avis de la feu Commission nationale de
déontologie de la sécurité, créée par la loi n° 2000-494 du 6
juin 2000, Autorité Administrative Indépendant (aujourd'hui
remplacée par le Défenseur des Droits), résume parfaitement la
doctrine, désormais confirmée par la jurisprudence, ainsi que
par la réglementation.
Le respect du secret professionnel repose donc,
d'abord, sur l'article 226-13 du Code pénal, mais l'État, dès
2005 (décret
n° 2005-1123 du 6 septembre 2005), compte tenu de
l'importance du respect de cette obligation, imposa l'étude de
cet article dans les formations devenues obligatoires pour
acquérir l'aptitude professionnelle, afin d'exercer l'activité
libérale de détective ou enquêteur privé (art.
R622-24 du C.S.I.). Il figure, à nouveau, dans le
programme à dispenser par les centres privés de formation
professionnelle afin d'obtenir un agrément pour enseigner aux
futurs enquêteurs privés (arrêté du 16/06/2017
NOR
INTD1716176A).
En 2012, le gouvernement promulgue, par
décret, un code de déontologie relatif aux activités privées de
sécurité. Ces règles éthiques seront, ensuite, incorporées au
Code de la Sécurité intérieure (articles R631-1 à R631-31 du
C.S.I.) qui confirmeront, réglementairement, l'obligation de
respecter le secret professionnel aux articles R631-4 (respect
des lois donc du secret professionnel), R631-9 (confidentialité),
R631-14 (respect des contrôles), R631-21 (interdiction
d'accepter une affaire contraire au code de déontologie, donc
à la confidentialité), R631-28 (relatif au secret des
affaires), R631-29 (refus des affaires pouvant
entraîner la violation du secret professionnel).
Cependant des dispositions figurant aux
articles 13 et 14 du code de déontologie (R631-13 et R631-14 du CSI)
obligeaient les acteurs de la sécurité privée - donc les agents de
recherches, détectives et enquêteurs privés - à répondre aux demandes de renseignements et
de documents des administrations et organismes habilités dans
une rédaction imprécise :
art. R631-14 du CSI : « (...)
Ils permettent (...)
la consultation, immédiate ou dans les plus
brefs délais, de toute pièce réclamée, en version originale.
Ils facilitent la copie de ces pièces par les agents de
contrôle ».
Cette formulation, trop vague, pouvait
permettre une interprétation extensive de la part
d'administrations publiques ou d'organismes de contrôle, et
notamment des demandes susceptibles d'enfreindre le secret
professionnel, même si, dans ce même article, figurait la
mention «
dans le respect des dispositions légales et réglementaires
relatives à la protection de la vie privée et des secrets
qu'elles protègent ».
L'Union fédérale des enquêteurs de droit privé,
soucieuse de protéger la vie privée des clients, les
informations confidentielles détenues par les agents de
recherches privées,et les secrets confiés par les avocats, les
huissiers et autres professions juridiques, engagea
donc un recours contentieux pour faire préciser ces règles des
contrôles en sollicitant, pour justifier son recours, l'annulation du
décret n° 2012-870 du 20 juillet 2012
relatif au code de déontologie des personnes
physiques ou morales exerçant des activités privées de
sécurité.
Elle fut déboutée de sa demande d'annulation
pour une raison simple, mais qu'il importait de faire préciser
par la plus haute juridiction administrative : les organismes
de contrôle ne peuvent demander d'informations couvertes par
le secret professionnel, le secret de la vie privée, le secret
fiscal et tout autre secret protégé par la loi. Dès lors, la
demande d'annulation n'avait plus d'objet. Mais, tout en étant
déboutée, l'Union Fédérale des Enquêteurs de Droit Privé
obtint entièrement satisfaction sur le point qui avait, de
fait, justifié son recours : la reconnaissance du secret
professionnel et son opposabilité aux organismes de contrôle !
Cette décision du Conseil d'État, concernant
les agences de recherches privées, ne faisait, d'ailleurs, que
confirmer deux décisions du Conseil constitutionnel qui
rappelaient que des autorités administratives ne peuvent
méconnaître le secret professionnel des professions qui y sont
assujetties, ainsi qu'une autre décision du Conseil d'État
précisant que le fait que des agents publics soient assujettis
au secret professionnel ne les autorisent pas à méconnaître
celui des professions contrôlées,
la plus haute juridiction administrative ajoutant que «
(...) la révélation d'une information à caractère secret
vicie la procédure (...)».
Position du Ministre de l'intérieur :
La procédure engagée par l'Union Fédérale des
Enquêteurs de droit privé a permis
d'obtenir, du Ministre de l'Intérieur, une position claire et
précise en deux temps :
1) réponse au recours amiable devant le Premier
Ministre (courrier recommandé du 9/11/2012, reçu du Ministre
par la fédération UFEDP);
2) mémoire du Ministre de l'Intérieur devant le Conseil d'État dans la
procédure initiée par l'UFEDP.
1 - Courrier
recommandé du Ministre de l'Intérieur adressé à l'UFEdp (réf.
Cabinet n° 2147, 9/11/2012)
: « (…) l'article
L. 226-13 du code pénal dispose que : « la révélation d'une
information à caractère secret par une personne qui en est
dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison
d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an
d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».
Le caractère
secret de l'information découle de la mission de l'agent de
recherches privées. La confidentialité lie l'enquêteur à son
client
».
2 -
Extrait du mémoire du
Ministre de l'Intérieur, transmis au Conseil d'Etat dans le
cadre de la procédure contentieuse engagée par l'UFEDP :
« ● S’agissant
des articles 13 et 14 du code : L’association requérante
[ndlr : l'UFEDP]
considère qu’en faisant obligation « de communiquer toute
pièce réclamée » par les administrations, autorités et
organismes de contrôle, ces dispositions méconnaîtraient
l’obligation de secret professionnel à laquelle sont tenu
les agents de recherches privées. (…).
Ces
dispositions ont trait aux relations avec les autorités
publiques. Elles exigent de la part des professionnels de la
sécurité privée et donc des agents de recherches privées,
loyauté, transparence et diligence dans les relations avec
l’administration, notamment lors des contrôles
administratifs en tant que besoin.
Elles ne
méconnaissent nullement l’obligation de secret
professionnel, l’article 14
prévoyant au contraire
expressément que
la consultation, immédiate ou dans les
plus brefs délais, de toute pièce réclamée
ne peut se faire
que
« dans le respect des dispositions
légales et réglementaires relatives à la protection de la
vie privée et des secrets qu’elles protègent ».
En outre,
l’article 4 « respect des lois » du code, qui s’intègre dans
le chapitre Ier
du décret intitulé « Devoirs communs à tous les acteurs de
la sécurité privée », soumet les acteurs de la sécurité
privée, donc les agents de recherches privées, au respect de
« la législation professionnelle et sociale qui leur est
applicable », notamment
l’obligation de secret
professionnel. Ensuite, l’article 9 « confidentialité »,
alinéa premier, du code, qui s’intègre dans le chapitre
Ier
précité énonce que « les acteurs de la sécurité privée
respectent une stricte confidentialité des informations,
procédures techniques et usages dont ils ont connaissance
dans le cadre de leur activité ».
Enfin, le décret prévoit, dans son article 29
« prévention des conflits d’intérêts » inséré dans la
section spécifique à la profession libérale de recherches
privées, que si le secret professionnel risque d’être violé,
les personnes morales ou physiques exerçant des activités de
recherches privées s’interdisent de s’occuper des affaires
du client ou mandant concerné.
Décision du Conseil d'État :
Dans son arrêt du 12 février 2014,
les règles relatives aux contrôles administratifs des agents
de recherches privées ont été
précisées par le considérant n° 9.
« il
résulte
des termes même de l'article
14 que
cette obligation ne
s'impose que " dans le respect des
dispositions légales et réglementaires relatives à la
protection de la vie privée et
des secrets qu'elles protègent
" ; (...) par suite (...) les articles 13 et 14 du code de
déontologie ne sauraient porter atteinte au secret
professionnel, au secret fiscal ni à d'autres secrets protégés
par la loi
» ;
[Conseil d'État, 6ème et 1ère sections réunies, 12 février
2014, n° 365.073, considérant n° 9 - Union fédérale des
enquêteurs de droit privé c/ Ministre de l'intérieur]. |
Analyse
: le secret professionnel, le secret de la vie privée, le
secret fiscal, et tout secret protégé par la loi est opposable
aux administrations et organismes de contrôle - y compris au
C.N.A.P.S. - nonobstant les
articles R631-13 et R631-14 du code de la sécurité intérieure.
Pour
mémoire les secrets opposables sont, notamment :
le
secret professionnel, secret de la vie privée, secret fiscal,
secret des droits de la défense, secret financier et bancaire,
les secrets partagés avec d'autres activités également
assujetties etc. Tel est le cas de l'identité des clients,
des mandats (missions), des factures ou relevés d'honoraires
(comportant l'identification des clients et des missions, sauf
à les caviarder), ainsi que, bien évidemment, des
rapports (liste non exhaustive).
Article 226-13 du code pénal : La violation du secret
professionnel auquel est tenu un détective ou enquêteur privé,
est sanctionnée par l'article 226-13 du code pénal (Cf.
supra) qui prévoit une
peine d'amende de 15.000 euros et un an de prison.
Mais les sanctions peuvent être également disciplinaires, car
en matière de police administrative, la double peine est
admise. Or le secret professionnel résulte, également, du code de
déontologie et, notamment, comme le
rappelle le Ministre de l'Intérieur dans son mémoire au
Conseil d'État (cf. supra), des articles 4 (respect des lois),
9 et 29 du code de déontologie (lire
R631-4,
R.631-9 et
R.631-29 du code de la sécurité intérieure dans sa
codification actuelle).
Ainsi, compte tenu de la gravité d'une telle violation, et des
conséquences qui pourraient résulter dans la vie privée,
familiale, professionnelle, comme dans la vie des entreprises,
la commission de disciplinaire pourrait donc, elles aussi,
sanctionner l'indiscrétion, par une pénalité financière et/ou
une interdiction d'exercice.
A noter que si l'information était demandée dans le cadre
d'une procédure administrative, le Conseil d'État a jugé que «
(...) la révélation d'une information à caractère secret
vicie la procédure (...)». Ce même arrêt confirme, également,
que le fait que des agents publics soient, eux mêmes,
assujettis au secret professionnel ne leur permet pas
d'obtenir des informations couvertes par le secret
professionnel de la personne contrôlée. De son coté, le
Conseil constitutionnel a, également rappelé, au moins dans
deux décisions, que le secret professionnel était opposable à
une administration même si ces agents sont, eux-mêmes, tenus au secret
professionnel d'une part, et, d'autre part, à une autorité
administrative indépendante dont les agents sont, eux aussi,
assujettis au secret professionnel.
Cliquez sur un lien pour consulter les infos directement sur
le site du service concerné
(liens vers Legifrance).
En cas d'indiscrétion de la part d'un enquêteur privé, quelle
serait la marche à suivre pour le client ou pour l'enquêteur
qui en serait victime (de la part d'un collaborateur par
exemple) ?
Il ne s'agit là, bien évidemment, que d'une hypothèse d'école
car il est improbable qu'une telle situation puisse se
renouveler depuis le renforcement de la législation
et des contrôles sur les agents de recherches privées,
l'intégration de la réglementation dans le Code de la sécurité
intérieure, la création d'un organisme de contrôle et de
régulation doté d'une mission de police administrative
(C.N.A.P.S.) et de sanctions disciplinaires en son sein,
sans oublier la promulgation d'un code de déontologie d'ordre
public.
Les indiscrétions qui ont pu être commises sont antérieures à
la nouvelle et très stricte réglementation à laquelle sont
désormais soumis les détectives et enquêteurs privés.
Dans l'hypothèse, peu probable, émise ci-dessus, il conviendra
de s'adresser au Défenseur des droits (et non pas au C.N.A.P.S.) qui
instruira la plainte contre l'indiscret ou,
plus vraisemblablement, contre le
faux professionnel, c'est à dire, une personne usurpant la
qualité d'enquêteur privé, sans posséder agrément, ni
autorisation pour l'exercer.
A cet égard il convient de rappeler l'importance de ne
s'adresser qu'à des enquêteurs de droit privé agréés
par l'établissement public de contrôle et de régulation. Il vérifie les conditions
d'honorabilité, de qualification du postulant, délivre un agrément aux
dirigeants, et une autorisation d'exercice aux enquêteurs
salariés, ainsi qu'une carte professionnelle à tous les
enquêteurs, dirigeants, collaborateurs salariés ou
indépendants exerçant sur le terrain.
Le cas d'un "faux détective" s'est d'ailleurs produit dans le
Nord de la France, de la part d'un individu qui exerçait sans
droit. Il a été condamné, en 2009, pour «usage d'une qualité
dont les conditions d'attribution ont été fixées par
l'autorité publique» (art. 433-17 Code pénal).
A noter que le Défenseur des droits peut être saisi pour
toute faute déontologique commise par un détective ou
enquêteur privé.
Il convoque alors les parties, les entend,
mène une instruction et, une fois son enquête achevée,
il établit un rapport qui, s'il conclut à une faute
déontologique, est transmis, selon les cas (faute
déontologique, faute pénale...) aux différentes autorités
compétentes (Procureur de la République, Ministre de
l'Intérieur, Préfet, Conseil national des activités privées de
sécurité), afin que des poursuites
disciplinaires et/ou judiciaires soient engagées.
La procédure est gratuite et permet, aussi, d'établir les
preuves de la faute commise et, si elle est d'ordre pénal
(violation du secret professionnel par exemple), dans des délais plus rapides
qu'une plainte au Procureur de la République qui pourra,
toujours, être saisi par le plaignant muni
du rapport du Défenseur des Droits.
D'une manière générale, le Défenseur des droits est chargé,
par la Loi :
«
1° De défendre les droits et libertés dans le cadre des
relations avec les administrations de l'État, les
collectivités territoriales, les établissements publics et les
organismes investis d'une mission de service public ;
2° De défendre et de promouvoir l'intérêt supérieur et les
droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement
international régulièrement ratifié ou approuvé par la France
;
3° De lutter contre les discriminations, directes ou
indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement
international régulièrement ratifié ou approuvé par la France
ainsi que de promouvoir l'égalité ;
4° De veiller au respect de la déontologie par les personnes
exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la
République ».
Or la profession est reconnue, par une loi n° 95-73 du
21/01/1995 (Annexe I, (I-3°) comme une activité de sécurité de
nature privée concourant à la sécurité générale, activité de
sécurité privée que d'autres textes, et les rapports
parlementaires les concernant, confirment. A ce titre le
Défenseur des Droits est chargé de veiller au respect de la
déontologie par les enquêteurs de droit privé.
En raison de son statut constitutionnel (art.
71-1 Constitution), de son indépendance à l'égard de
l'État (il s'agit d'une Autorité Administrative Indépendante
et Constitutionnelle,
contrairement au C.N.A.P.S. qui est un établissement public
administratif sous tutelle du Ministre de l'Intérieur et non
une Autorité Indépendante, ni un Ordre professionnel), le
Défenseur des Droits est
doté de pouvoirs exceptionnels par une loi organique (n°
2011-333 du 29/03/2011) qui lui permet de réclamer des explications
à toute personne physique ou morale mise en cause devant lui.
Néanmoins il convient, aussi, de rappeler que la saisine d'une
autorité administrative ou judiciaire doit être justifiée car,
à défaut, elle pourrait entraîner des poursuites contre le
plaignant pour dénonciation calomnieuse (au pénal : art.
226-10 et
434-26 CP) ou téméraire (au civil : art.
1240 CC).
Cliquez sur un lien pour consulter les infos directement sur
le site du service concerné
(liens vers Legifrance).
Contrôle de la
déontologie des enquêteurs de droit privé : décision(s)
rendue(s) par le "Défenseur
des droits" (et son prédécesseur la feu
C.N.D.S.).
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